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Donation déguisée : définition, risques et conseils d’un avocat fiscaliste

La question de la transmission de patrimoine est un enjeu majeur, aussi bien sur le plan familial que fiscal. En effet, la motivation peut être de vouloir réduire la facture fiscale ou de s’assurer qu’une personne en particulier acquiert un bien déterminé.

Pour contourner ces règles, il n’est pas rare que certains cherchent à les éluder en camouflant une donation sous la forme d’une vente, d’un prêt ou d’un autre acte en apparence. C’est ce qu’on appelle une donation déguisée, la dissimulation d’une libéralité sous la forme d’un autre contrat.

Dans l’idée, ces pratiques peuvent permettre d’échapper à l’impôt normalement dû ou, au moins, de réduire la charge fiscale. Toutefois, l’administration fiscale dispose de moyens juridiques lui permettant de vérifier la sincérité d’un acte et de lui redonner sa qualification réelle au besoin, en l’accompagnant de sanctions, de droits de donation et de lourdes pénalités.

1) Qu’est ce qu’une donation déguisée

Vous l’aurez compris, la donation déguisée est une donation qui est faite sous l’apparence d’un contrat à titre onéreux dont les droits seront en conséquence moins élevés. Il s’agit donc d’un acte sans existence réelle et ne servant qu’à dissimuler une donation.
La donation déguisée se distingue de la donation indirecte par le fait qu’elle nécessite une intention de simulation pour être caractérisée.

Les éléments caractéristiques d’une donation sont donc : l’intention libérale (le donateur souhaite donner à une personne), une simulation (l’acte affiché ne correspond pas à la réalité) et, enfin, une absence de contrepartie réelle (prix non payé, par exemple).

L’administration fiscale, sur le fondement de l’abus de droit (art. L. 64 du LPF), peut restituer à l’acte son véritable objet et n’est donc pas tenue par l’acte apparent qui se présente devant elle.

2) Comment l’administration fiscale détecte une donation déguisée

En principe, la charge de la preuve incombe à l’administration fiscale. Elle devra prouver que l’acte pour lequel elle opère un redressement fiscal constitue une donation déguisée. La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que la charge de la preuve incombait à l’administration en cassant l’arrêt de la cour d’appel qui avait inversé cette charge (Cass. com., 4 mars 1986, Le Brocher : Bull. cass. 1986-IV n° 38, p. 34) et a également précisé, dans un autre arrêt, que la fictivité de l’acte doit être établie par l’administration dès la notification de redressement (Cass. com., 12 novembre 1992, n° 90-15.511).

 

Par exception, lorsque le redressement résulte de l’avis conforme du comité consultatif de l’abus de droit fiscal, la charge de la preuve incombera alors au contribuable, qui devra démontrer que l’acte n’est pas constitutif d’une donation déguisée.

 

L’administration, pour établir la réalité des faits qu’elle invoque, peut utiliser tous les modes de preuve de droit commun compatibles avec la procédure écrite et peut notamment s’appuyer sur des présomptions de faits ou judiciaires graves, précises et concordantes, dont l’appréciation est laissée au juge. Ces faisceaux d’indices peuvent être relatifs au cédant (son âge, sa situation de fortune, etc.), au cessionnaire ou encore aux modalités du contrat (prix dérisoire, prêt sans terme ni réelle obligation de remboursement…).

  

On peut citer plusieurs exemples classiques de donations déguisées :

-       Une vente à un prix dérisoire ou non payé par l’acquéreur (Cass. Com. 30 juin 1998, n°96-20.536) ;

-       Un prix payé hors de la comptabilité du notaire, ce qui empêche toute vérification du règlement effectif (Cass. Com. 8 décembre 1975, n°74-12.503) ;

-       La vente d’un immeuble assortie d’une rente viagère, lorsque l’âge avancé du cédant, le faible montant de la rente ou son état santé font perdre tout caractère aléatoire au contrat (Rép. Aymée de la Chevrelière : AN 10 novembre 1972 n°25993).

3) Conséquences fiscales d’une requalification en donation déguisée

Un acte requalifié en donation déguisée peut avoir des conséquences lourdes, tant d’ordre fiscal que pénal dans certains cas.

 

En effet, l’administration fiscale procédera à un rehaussement des droits dus au titre de la donation à titre gratuit, dont le montant dépend du degré de parenté (jusqu’à 60 % sur la valeur du bien entre personnes non parentes).

 

De plus, ce rehaussement s’accompagnera d’intérêts de retard d’une part (art. 1727 du CGI), mais d’autre part, possiblement, d’une majoration de 80 % (art. 1729 du CGI). La prescription fiscale est de trois ans si le caractère gratuit ressort de l’acte lui-même (art. L180 LPF) ou de six ans si la preuve nécessite des recherches extérieures (art. L186 LPF).

Enfin, d’un point de vue pénal, une plainte pour fraude fiscale peut être déposée, notamment en cas de dissimulation. La prescription pénale est de trois ans à compter de la publication de l’acte (Cass. crim., 19 mars 1979, n° 78-92.575).

4) Comment se prémunir contre une requalification en donation déguisée

Afin de prévenir tout risque de requalification, il est essentiel de sécuriser la rédaction des actes avec l’aide d’un professionnel (avocat ou notaire), de s’assurer de la réalité du paiement du prix, notamment via la comptabilité du notaire, de documenter les flux financiers (preuve du paiement, virement, justificatif bancaire) et d’éviter les montages artificiels dont l’unique objet serait fiscal. 

En conclusion, si une donation déguisée peut paraître un moyen d’alléger la fiscalité d’une transmission, il s’agit en réalité d’une bombe à retardement, donc les risques peuvent être élevés. Il est important d’anticiper la transmission dans un cadre juridique clair, ce qui peut permettre de réduire ou à minima anticiper les coûts fiscaux. Un audit fiscal ou une consultation fiscale personnalisée permettent de sécuriser vos projets et d’éviter toute requalification future par l’administration.

Le cabinet BASOMBANA Avocat vous accompagne dans l’analyse et la sécurisation de vos opérations patrimoniales et fiscales.

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Compte courant d’associé : Le compte courant d’associé est-il est imposable ?

Très présent dans le monde juridique et financier des entreprises, le compte courant d’associé occupe une place stratégique. Il constitue un mode de financement souple et accessible, particulièrement pour les sociétés de petite taille, mais aussi au sein des groupes de société. Le compte courant d’associé séduit en raison de sa flexibilité d’utilisation et à la diversité des fonctions qu’ils peuvent remplir - qu’il s’agisse de financement à court terme ou long terme.

Concrètement le compte courant d’associé consiste en des avances réalisées par l’associé à la société. L’apport en compte courant d’associé permet d’augmenter la trésorerie de l’entreprise en s’affranchissant de la lourdeur d’une augmentation de capital social et offre la possibilité, en principe, d’en demander le remboursement à tout moment. 

Dans cette publication, nous nous intéresserons à la fiscalité du compte courant d’associé que ce soit du point de vue de la société mais aussi de l’associé-préteur.

1) La fiscalité du compte courant d’associé du point de vue de la société

La déductibilité des intérêts rémunérant le compte courant d’associé

Lorsque l’associé prête de l’argent à la société, il peut être convenu que cette avance en compte courant sera rémunérée par des intérêts. L’avantage d’ordre fiscal que procure l’avance en compte courant d’associé est que ces intérêts seront déductibles du résultat imposable de la société contrairement à une rémunération par dividende qui est non fiscalement déductible.

Toutefois, la déduction des intérêts n’est admise que lorsque deux conditions, prévues au 3° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, sont réunies. D’abord, le capital social doit être entièrement libéré. Cette condition s’applique à toute société, quelque soit sa forme juridique.

Enfin, les intérêts servis aux associés sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieur à deux ans. Ce taux a été fixé à 4,60% pour le deuxième trimestre 2025. Les intérêts versés dépassant ce taux doivent être réintégrés dans le résultat imposable et seront imposés comme une distribution entre les mains de l’associé.

Sur les droits d’enregistrement

Enfin, concernant les droits d’enregistrement sur les augmentations de capital par incorporation de comptes courants d’associé, ceux-ci sont supprimés depuis le 1er janvier 2019.

2) Du point de vue de l’associé-préteur

  • L’imposition des sommes figurant sur le compte courant d’associé

Le 2° du 1 de l’article 109 du CGI dispose que toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition d’un associé et non prélevées sur les bénéfices sont considérées comme des revenus distribués, et donc imposables dans la catégorie des revenus mobiliers.

Cette présomption repose sur une caractéristique essentielle du compte courant d’associé : son titulaire peut prélever les sommes inscrites sur ce compte à tout moment. Dès lors, pour renverser cette présomption, l’associé devra établir que les sommes inscrites correspondent à des avances consenties à la société ou à la prise en charge d’une dette incombant à celle-ci.

  • L’imposition des intérêts rémunérant le compte courant d’associé

En ce qui concerne la perception des intérêts générés par le compte courant d’associé, ces intérêts sont imposés entre les mains de l’associé soit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30% (12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux) ou soit selon le barème progressif de l’impôt, en cas d’option pour celui-ci.

Lorsque c’est une personne morale qui perçoit ces intérêts, ces derniers sont, en principe, intégrés dans le résultat imposable de la société bénéficiaire.

  • L’imposition du gain lors du remboursement du compte courant d’associé

Il arrive, dans certaines situations, qu’un associé acquière un compte courant d’associé à une valeur inférieure à sa valeur nominale, voire à l’euro symbolique. Dès lors, si la société rembourse ce compte courant à un montant égal à sa valeur nominale, un gain imposable doit être constaté. L’erreur fréquente d’un associé non-averti serait de considérer que, s’agissant d’un remboursement de compte courant d’associé, l’opération ne serait pas imposable ; or c’est tout le contraire.

Pour une personne physique, les modalités d’imposition diffèrent selon la nature de l’opération. Si l’acquisition du compte courant ne s’inscrit pas dans un cadre professionnel alors le gain réalisé lors du remboursement sera soumis au régime des plus-values des particuliers et donc imposé soit au PFU à 30% ou soit au barème progressif de l’impôt, en cas d’option. Si l’opération est réalisée dans le cadre d’une activité professionnelle, le gain peut être imposé comme un bénéfice professionnel.

Pour une personne morale, la plus-value réalisée relève du résultat imposable selon le régime fiscal de la société (IS ou IR).

3) Contrôle fiscal : le risque de l’abus de droit fiscal dans le cas d’une cession à l’euro symbolique d’un compte courant d’associé

Il est à noter que dans le cas d’une acquisition de compte courant à un prix symbolique, l’administration fiscale est en droit de requalifier l’opération lorsque ce prix symbolique (ou nettement inférieur) révèle un abus de droit, une libéralité déguisée ou un acte anormal de gestion. La jurisprudence impose alors un examen attentif de la réalité de la cession et de la justification du prix symbolique, en particulier lorsqu’il existe des liens entre les parties ou lorsqu’une société interposée est impliquée. Si l’administration fiscale ne saisit pas le Comité de l’abus de droit fiscal, elle devra elle-même apporter la preuve de l’abus, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans sa décision du 5 février 2018 n°409718.

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Contrôle fiscal : Quels sont les signaux qui déclenchent un contrôle fiscal ?

En tant que contribuable, il est fréquent de se demander ce qui déclenche un contrôle fiscal ? Comment et pourquoi l’administration fiscale s’intéresse soudainement à un contribuable (notamment à travers la demande de renseignement et son courrier 751-SD) ? En réalité, un contrôle fiscal n’est jamais le fruit du hasard, mais résulte de plusieurs indices ayant attirés l’attention de l’administration de sorte qu’elle décide de se pencher sur votre cas.

Il convient de rappeler que les déclarations faites par les contribuables sont présumées exactes jusqu’à preuve du contraire. Toutefois, l’administration fiscale peut vérifier l’exactitude des informations communiquées par le contribuable lorsque des indices montrent un manque de cohérence. Voici quelques signaux non exhaustifs qui peuvent conduire à un contrôle fiscale.

  • Une forte variation des revenus ou du chiffre d’affaires d’une année à une autre

L’administration fiscale peut déclencher un contrôle lorsqu’il y a une forte variation du revenu du contribuable ou de son chiffre d’affaires d’une année à l’autre (augmentation ou diminution). En effet, une forte variation du revenu du contribuable attirera l’attention de l’administration fiscale qui cherchera à en comprendre les raisons. Dès lors, il convient de conserver les éléments de preuves justifiant cette variation, qui peut être due, par exemple, à la perte d’un emploi dans le cas d’une baisse ou un gain en capital dans le cas d’une augmentation du revenu.

  • La découverte d’un compte bancaire à l’étranger

La découverte d’un compte bancaire à l’étranger (type N26 par exemple) non déclaré constitue également un élément déclencheur de contrôle.

En effet, tout contribuable à l’obligation de déclarer ses comptes bancaires à l’étranger, mais aussi ses avoirs situés à l’étranger. Dès lors que l’administration sera alerté par l’existence d’un tel compte, elle aura tendance à engager un contrôle, car un compte bancaire à l’étranger peut avoir généré des revenus ou avoir servi à encaisser des revenus non déclarés.

  • Une déclaration incohérente avec les informations déjà connues de l’administration fiscale

On sait que les tiers communiquent à l’administration fiscale les informations qu’ils détiennent sur les contribuables. C’est notamment le cas des plateformes d’économie collaborative, telles que Vinted ou Airbnb, qui communiquent les recettes encaissées par leurs utilisateurs, ou tiers versant tels les employeurs qui pratiquent ensuite le prélèvement à la source pour le compte de l’administration. Dès lors, la différence entre les informations communiquées à l’administration fiscale et votre déclaration peut révéler des omissions que l’administration souhaitera vérifier.

  • Une différence entre le train de vie du contribuable et sa déclaration de revenu

La différence entre votre train de vie et le niveau de revenu déclaré peut également attirer l’attention de l’administration qui souhaitera examiner tous cela de plus près.

En effet, un contribuable qui déclare ne percevoir aucun revenu ou des revenus très faible mais présente des signes extérieurs de richesse attirera l’attention de l’administration.

Ces signes extérieurs de richesse peuvent se caractériser par la possession, ou du moins l’utilisation régulière, de véhicule de valeur élevée, des voyages fréquents dans des destinations paradisiaques, ou encore par un niveau de consommation incompatible avec les revenus déclarés.

  • Une entreprise partenaire ou dans laquelle le contribuable détient une participation subit un contrôle fiscal

Le contrôle fiscal d’une entreprise dans laquelle vous avez des participations ou avec laquelle vous êtes en relation si celle-ci est contrôlée puis redressée peut avoir des conséquences sur vous. Cela se produit par exemple lorsque des sommes ont été inscrites au crédit d’un compte courant d’associé et dont l’origine est indéterminée, alors l’administration requalifiera ces sommes en revenus distribués qui seront imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

C’est également le cas lorsqu’une entreprise est contrôlée en raison de soupçon de fraude à la TVA.

  • Les opérations immobilières

Le secteur immobilier est également un secteur surveillé par l’administration fiscale notamment en raison des profits engendrés par les opérations immobilières.

En effet, une forte différence entre la valeur d’un bien immobilier au moment de sa transmission (par succession ou donation) ou de sa vente, et la valeur déclarée dans le cadre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) attirera l’attention de l’administration qui souhaitera passer en revue l’opération.

Dans le cas d’une vente par exemple, l’application de l’exonération de plus-value sur la vente de la résidence principale alors que le contribuable à vécu un court instant dans le bien immobilier pourra être une raison du contrôle de l’administration fiscale.

  • Délai de reprise de l’administration fiscale

Bien que l’administration fiscale dispose de la possibilité d’engager un contrôle fiscal, celui-ci est encadré dans un délai de reprise, qui varie selon le fondement juridique sur lequel repose le contrôle (deux ans, trois ans, six ans et dix ans). Néanmoins, le délai de prescription le plus courant est de trois ans.

Le contrôle peut prendre la forme d’un contrôle sur pièces (contrôle interne) ou d’une vérification de comptabilité (contrôle externe). Le premier consiste pour l’administration à vérifier les éléments qu’elle a à sa disposition depuis ses bureaux. Le second implique un déplacement de l’administration dans les locaux de l’entreprise afin d’effectuer son contrôle et d’emporter un certain nombre d’éléments et pièces comptables.

Lorsque l’on fait l’objet d’un contrôle fiscal, le premier réflexe doit être de faire appel à un avocat fiscaliste. Ce dernier, expert du droit fiscal, structurera votre défense et s’assurera que vos droits soient bien respectés et négociera, le cas échéant, avec l’administration fiscale afin de régulariser votre situation.

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Explication sur la notion de “Maitre de l’affaire”

Explication sur la notion de maitre de l'affaire qui est un outil puissant utilisé par l'administration fiscale pour lutter contre les distributions occultes.

La notion de « maître de l’affaire » en droit fiscal français : un outil de présomption pour l’imposition des distributions occultes

En droit fiscal français, la notion de « maître de l’affaire » est un concept jurisprudentiel permettant à l’administration fiscale d’imposer un contribuable au titre de revenus réputés distribués, même en l’absence de preuve directe de l’appréhension des sommes. Cette notion est particulièrement utilisée dans le cadre des distributions occultes, en application des articles 109, 1, 1° et 111, c du Code général des impôts (CGI).

Définition et portée de la notion

Le « maître de l’affaire » est défini par la jurisprudence comme la personne qui exerce la responsabilité effective de l’ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société, et qui dispose sans contrôle des fonds. Cette qualité permet à l’administration fiscale de présumer que cette personne a appréhendé les bénéfices non déclarés ou les avantages occultes, sans avoir à apporter la preuve d’un versement effectif.

Cette présomption a été consacrée par le Conseil d’État dans un arrêt du 13 juin 2016 (n° 391240), où il a été jugé que la qualité de maître de l’affaire suffit à établir l’appréhension des distributions occultes, indépendamment de la preuve d’un bénéfice personnel.

Conditions d’application

Pour que la présomption s’applique, l’administration doit établir que le contribuable est le seul maître de l’affaire. En cas de pluralité de maîtres de l’affaire, la présomption ne joue pas, et l’administration doit alors démontrer qui a effectivement bénéficié des sommes et dans quelle proportion. Cette position a été rappelée par le Conseil d’État dans un arrêt du 22 février 2017 (n° 388887).

Une exception à cette règle a été admise dans le cas où la maîtrise de l’affaire est exercée conjointement par deux personnes soumises à une imposition commune à l’impôt sur le revenu, comme un couple marié. Dans ce cas, la présomption peut s’appliquer à l’ensemble du couple.

Illustration jurisprudentielle

Dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Lyon le 3 novembre 2020 (n° 18LY03817), un associé détenant 25 % des parts d’une société exploitant une pharmacie a été considéré comme le maître de l’affaire en raison de son rôle de dirigeant unique, de sa majorité des droits de vote et de sa signature exclusive sur les comptes bancaires. La cour a jugé que, malgré sa participation minoritaire au capital, il exerçait un contrôle effectif sur la société, justifiant ainsi l’application de la présomption de distribution. Une décision récente de la CAA de Paris souligne que pour caractériser la qualité de « maître de l’affaire » — condition nécessaire à l’application par l’Administration de la présomption d’appréhension des revenus réputés distribués — il est indispensable d’apprécier concrètement les modalités de gestion de la société à travers un faisceau d’indices (CAA Paris, 17 janvier 2025 n°23PA03012).

Extension de la théorie

Initialement appliquée aux distributions occultes en vertu de l’article 109, 1, 1° du CGI, la théorie du maître de l’affaire a été étendue à l’article 111, c du CGI, relatif aux rémunérations et avantages occultes. Le Conseil d’État a ainsi jugé que la qualité de maître de l’affaire permet de présumer l’appréhension de ces avantages, même sans preuve directe.

Limites et précautions

La présomption liée à la qualité de maître de l’affaire peut être remise en cause si des éléments objectifs viennent contredire cette qualité, tels que la mise sous contrôle judiciaire de la société ou la nomination d’un administrateur provisoire. Dans ce cas, l’administration doit apporter la preuve de l’appréhension effective des sommes.

Conclusion

La notion de maître de l’affaire constitue un outil puissant pour l’administration fiscale dans la lutte contre les distributions occultes. Elle permet d’imposer un contribuable sur la base de son contrôle effectif de la société, sans nécessiter la preuve d’un bénéfice personnel. Toutefois, son application est encadrée par des conditions strictes et peut être contestée en présence d’éléments contraires.

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